3 millions de CA. 4 mois de trésorerie. Et maintenant ?

Trois chiffres. Trois questions. Toute la vérité.

J’ai accompagné récemment une DNVB. Appelons-la Les Jolies Robes.

Une jolie marque, bien construite, une identité affirmée, un e-shop propre, une communauté qui commente, partage.

Sur le papier, tout va bien.
Mais dans les chiffres, tout déraille.

La marque réalise près de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Et pourtant, la trésorerie est à sec.
Les marges s’effondrent. Les factures s’accumulent. Et les fondatrices ne se versent plus de salaire depuis trois mois.

Et surtout : personne ne comprend vraiment pourquoi.
Le trafic est là. le nombre de cliente augmente rapidement. Les pubs tournent.

Ce n’est pas un problème passager. C’est un déséquilibre de fond.

Dans ce genre de situation, le plus dur, c’est de sortir du flou.
Parce que quand tout semble “à peu près OK”, il devient difficile de repérer ce qui grippe vraiment la machine.

Alors on commence simple.
Pas avec 25 KPI.
Juste avec trois.

Trois chiffres. Trois questions. Toute la vérité.

  • Combien coûte une nouvelle cliente ? (CAC)

  • Combien reviennent dans les six mois ? (Returning)

  • Combien de commandes sont retournées ? (Taux de retour produit)

Si tu regardes uniquement ces trois données, et que tu le fais sérieusement, tu sais exactement où ta marque se situe.
Et surtout, où tu perds de l’argent.

Dans le cas des Jolies Robes, la faille est évidente.

CAC stable.
Taux de retour client catastrophique : 85 % des clientes ne rachètent jamais.

Le produit plaît, mais n’ancre rien dans le temps.
Pas de fréquence d’achat. Pas d’habitude.
Juste des ventes uniques. Et chaque vente coûte cher à obtenir.

Et pendant ce temps-là, la boîte continue à dépenser pour acquérir de nouvelles clientes.

Pourquoi elles ne reviennent pas

Quand 85 % de tes clientes ne reviennent jamais, tu ne peux pas te contenter de “revoir ton CRM”.

Tu dois comprendre.
Tu dois leur poser la question.
Pas deviner. Demander.

Un message clair. Brut. Sans chichi :

« Tu as passé commande il y a quelques mois. On serait vraiment curieuses de savoir pourquoi tu n’as pas retenté l’expérience. Tu peux nous dire ? »

Et là, tu écoutes. Tu lis. Tu compiles.
Tu fais remonter les deux freins majeurs. Pas quinze.

Dans le cas des Jolies Robes, voilà ce qui est ressorti :

  • Premier frein : la livraison beaucoup trop longue.
    La cliente commande et ne sait pas quand elle recevra. C’est frustrant. Ça casse l’excitation. Et ça ne donne pas envie de recommencer.

    → Tu corriges en informant la cliente en temps réel après expédition. Tu retires les précommandes trop longues ou tu les annonces clairement dès la fiche produit.

  • Deuxième frein : les vêtements taillent trop grands.
    Le produit arrive, la cliente flotte dedans. Elle ne sait pas si c’est elle ou la marque qui a mal estimé. Résultat : pas de réachat.

    → Tu corriges en conseillant mieux dès la fiche produit. Tu précises les mensurations des mannequins. Tu mets en place un Fit Finder. Et tu formules des conseils de taille explicites, ton contenu sur insta doit aussi être orienté la dessus.

Tu mets ton argent là-dessus

Tu n’as pas 12 mois pour “travailler le CRM”.
Tu as 30 jours pour faire une différence tangible.

Donc tu poses un objectif clair :

Doubler le taux de returning à 6 mois.
Passer de 12 % à 25 %.

Oui, tu ne pourras pas mesurer ce taux complet avant 6 mois.
Mais tu verras les signaux faibles beaucoup plus tôt :

  • Le taux d’ouverture et de clics sur les séquences relance

  • Le nombre de secondes commandes déclenchées

  • Le délai entre première et deuxième commande

  • Le panier moyen des clientes N-1 qui reviennent

  • Le taux de transformation après relance

Si tu ne vois aucun impact dans les 30 premiers jours, tu changes.
Pas dans trois mois. Pas après un joli template.

Tu veux que ça reparte ?
Ton CRM ne doit pas être joli. Il doit rapporter.

Tu ne peux pas tout corriger. Donc tu choisis.

La réaction instinctive, c’est de tout faire :
optimiser les ads, revoir l’UX, retravailler le packaging, shooter une capsule, relancer les RP, refaire la page à propos.

Mais quand tu es en déficit de trésorerie, tu n’as plus ce luxe.

Tu dois faire un choix.
Tu identifies le problème vital,
et tu concentres tous tes moyens dessus.

Et surtout : tu fais la liste de tes dépenses. Et tu tranches.

C’est brutal, mais c’est nécessaire.
Tu poses une règle très simple :

Si une dépense ne contribue pas à régler le problème principal dans les 30 jours, elle doit être mise en pause.

Chez Les Jolies Robes, le problème, c’est le returning.
Donc :

  • L’agence RP : Terminé

  • Les shootings lifestyle sans objectif de réachat : Terminé

  • Les collabs prévues à 6 mois : reportées

  • Le team building : annulé

Ce n’est pas une punition.
Ce n’est pas une rupture de confiance.
C’est une mesure de survie.

Et sur l’acquisition ? On ne coupe pas. On recadre.

Supprimer entièrement le budget Meta, c’est parfois pire que mal dépenser.
Parce que sans acquisition, la machine s’arrête.

Mais la bonne stratégie, ce n’est pas de continuer comme avant.
C’est de passer en mode chirurgical.

Tu ne dépenses que pour ce qui transforme.
Pas pour nourrir ton pixel. Pas pour “installer une marque”.
Pour générer du chiffre tout de suite.

Et tu ne sors pas de nouveauté. Tu mises sur ce qui fonctionne.

Tu prends tes 20 % de produits qui génèrent 80 % de ton chiffre.
Tu les simplifies. Tu les mets en avant. Tu relances les clientes qui les ont déjà commandés.
Tu rends l’achat plus rapide, plus fluide, plus évident.

Pas de capsule.
Pas de refonte.
Pas de shooting à Marrakech.

Juste du chiffre. Immédiat. Prévisible. Contrôlé.

La tentation de la promo

Quand le chiffre ne rentre pas, quand la trésorerie tire, quand les charges tombent, il y a une tentation qui revient vite : faire une grosse promo.

Et soyons honnêtes :
je peux défendre les deux points de vue avec la même conviction.

Parce que oui, faire une promotion forte, c’est parfois la seule manière de faire rentrer du cash vite.
Une vente privée, une opération -50 %, un “tout doit disparaître” camouflé sous un label feel good : ça fait du chiffre. Et ça peut te sauver.

Si à côté, tu redresses. Si à côté, tu resserres ton modèle. Si tu fais ça une fois, de façon tactique, pour te donner du temps.

Alors oui : la promo peut être une bouée.
Et parfois, elle te laisse encore quelques mois pour reconstruire.

Mais il y a l’autre scénario.
Le scénario où tu ne redresses pas assez vite.
Où tu fais une première promo… puis une deuxième… puis une série de ventes flash.
Et sans t’en rendre compte, tu as formé tes clientes à n’acheter que lorsqu’il y a -60 %.

Tu n’as plus un problème de cash.
Tu as un problème de valeur perçue.
Et celui-là, il est beaucoup plus dur à inverser.

Parce qu’une cliente qui a acheté deux fois à -70 %, tu ne la récupères jamais à plein tarif.
Elle t’aime bien. Mais elle attendra le prochain rabais.

Tu es sorti du marché “aspirationnel” pour entrer dans le circuit discount.
Et il est très difficile d’en sortir sans repartir de zéro.

Alors que faire ?

Tu peux faire une promo.
Mais fais-la en conscience.
Pas en panique.
Pas pour “faire un coup”.

Fais-la parce que tu as un plan derrière.
Parce que tu sais ce que tu veux sauver.
Et parce que tu assumes que tu vas devoir redoubler de stratégie, de finesse, et de génie pour reconstruire la valeur perçue ensuite.

Et surtout :
Ne laisse pas une promo d’urgence devenir ta nouvelle stratégie.

Et les résultats arrivent plus vite qu’on croit

Indicateur

Avant

Après

Ce que ça change

CA mensuel

250 000 €

200 000 €

Moins de volume, mais plus de marge

Budget META

60 000 €

30 000 €

Plus ciblé, plus efficace

CAC

45 €

38 €

Optimisé sans baisse de qualité

Returning à 6 mois

12 %

25 %

CRM + offres = valeur immédiate

OPEX hors prod/ads

80 000 €

50 000 €

Nettoyage stratégique

Résultat net

-10 000 €

+15 000 €

La boîte repasse au vert

Alors, concrètement, tu fais quoi ?

Tu fais un vrai diagnostic, pas un “on pense que peut-être…”

Tu identifies la faille la plus grave.

Tu alignes toutes tes dépenses sur cette faille-là. Rien d’autre.

Tu mesures chacune de tes actions

Tu simplifies ton offre.

Tu recentres tes messages.

Et tu relances ce qui convertit, sans attendre.

Ce n’est pas un moment pour briller.
C’est un moment pour tenir.
Et tenir, c’est déjà sauver la boîte.

Le reste viendra plus tard. Quand tu auras retrouvé de l’oxygène.