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La rentabilité, la reine des batailles
CAC, retour, réachat : les trois chiffres qui font ou défont ton modèle.
C’est une longue newsletter.
Mais c’est normal : le sujet le mérite.
Parce qu’on parle ici de ce qui fait qu’une boîte tient — ou pas.
Depuis plus de 15 ans, je travaille dans l’univers des DNVB.
J’en ai cofondé une, je l’ai dirigée, passée de 200k à plus de 11Mio en 4 ans, et depuis, j’en accompagne d’autres.
Et avec le recul, s’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est que la rentabilité n’est pas un objectif secondaire.
C’est le sujet central.
Pas pour faire “moins ambitieux”.
Mais parce que c’est ce qui permet de durer.
Le fantasme du volume
Beaucoup de marques ne sont pas rentables au début, et c’est souvent assumé.
On se dit que c’est normal, qu’on est en phase de construction, que le jour où les volumes seront là — que ce soit en production, en acquisition ou en logistique — les choses s’équilibreront.
Mais dans les faits, ce moment met souvent bien plus de temps qu’on ne le pense.
Et les économies d’échelle sont presque toujours surestimées.
Entre-temps, il faut tenir.
Ce qui veut dire : financer les pertes, absorber les imprévus, maintenir une dynamique d’équipe et d’image — sans vraie visibilité sur la marge.
C’est pour ça que je pense que la rentabilité n’est pas un luxe, ni une option.
C’est un repère de pilotage.
Et à chaque modèle correspond un chemin possible pour s’en rapprocher.
Investir, oui. Mais au bon endroit.
La vraie question, ce n’est pas “faut-il investir ?”
La vraie question, c’est : sur quel levier investir selon la structure de ton modèle ?
Et pour ça, il y a quelques cas fréquents.
1. Si ton CAC est élevé
Un coût d’acquisition élevé n’est pas une fatalité.
Mais il en dit long.
Souvent, ça signifie que le message produit ne passe pas : la promesse n’est pas claire, l’offre n’est pas lisible, le client ne comprend pas ce qu’on lui propose — ou pourquoi il devrait s’y intéresser.
Dans ce cas, l’enjeu, ce n’est pas d’acheter plus de trafic.
C’est de mieux formuler ce qu’on vend.
D’améliorer la créa, au sens large : image, shooting, wording, offre, structure de la landing page.
De faire en sorte que le marché comprenne mieux et plus vite ce qu’on propose.
2. Si ton modèle repose sur le réachat
Certaines DNVB vivent grâce à la récurrence.
Elles acceptent un CAC élevé, mais misent sur une LTV solide, qui s’étale dans le temps.
Mais ce modèle ne fonctionne que si l’expérience client est à la hauteur.
Dans ce cas, les priorités sont claires :
Investir sur le produit (efficacité, régularité, simplicité)
Soigner le packaging
Travailler un CRM propre et utile
Et offrir une expérience post-achat sans friction
Le client ne revient pas par hasard. Il revient parce qu’on lui donne une vraie raison de le faire.
3. Si tu es dans une industrie à retours élevés
Le textile, par exemple, a structurellement un taux de retour élevé.
On peut parfois l’abaisser un peu, mais rarement de manière spectaculaire, et jamais sans effort.
Passer de 33 % à 30 % semble être un objectif cohérent.
Mais dans les faits, cela demande :
d’implémenter des outils comme Fittle ou autres (6 mois),
de recruter un modéliste ou de retravailler les grilles (6 à 8 mois),
de lancer une nouvelle collection, testée, photographiée, produite (encore 6 à 8 mois).
Tout ça pour, rarement, gagner 2 points de retour.
Ce n’est pas inutile. Mais c’est lent, incertain et ça coute 150k
Et dans bien des cas, cet investissement mobilise des ressources qu’on aurait pu placer ailleurs.
4. Et puis il y a le taux de conversion
L’autre grand réflexe : se dire “j’ai 1000 visiteurs, 10 commandes, je vais optimiser le site pour en avoir 25”.
En théorie, c’est logique.
Mais dans la réalité, c’est un chantier très lent, très incertain.
Le taux de conversion est une optimisation, pas une réponse structurelle.
Il vient après le travail sur le CAC et la récurrence, pas avant.
Parce que oui, un site peut toujours s’améliorer.
Mais des sites atroces vendent très bien.
Et des sites magnifiques ne vendent rien.
La vérité, c’est que le design est subjectif, et les effets d’optimisation rarement à la hauteur des espoirs.
Je n’ai jamais vu en 15 ans un site améliorer de 30 % son CA parce qu’il avait changé la couleur d’un bouton ou refait ses visuels.
Évidemment qu’on peut améliorer le taux de conversion.
Mais il est rarement ce qui détermine si ton modèle fonctionne ou non.
À quoi ressemble la DNVB parfaite
La DNVB parfaite ne cherche pas la complexité.
Elle vend très peu de produits — 5, 10, 15 références maximum.
Des produits simples, indémodables, qui ne changent pas tous les deux mois.
Des produits qui ne se retournent pas, parce qu’ils ne posent pas de problème de taille, de matière, de goût, ou d’usage.
Et surtout : des produits qu’on rachète régulièrement, sans effort marketing démesuré.
Le modèle est construit autour de la marge, pas autour du storytelling.
Voici à quoi ça peut ressembler :
Mois | Chiffre d’affaires | Budget pub | CAC | EBITDA |
---|---|---|---|---|
Janvier | 118k€ | 27k€ | 33€ | 41k€ |
Février | 123k€ | 29k€ | 35€ | 42k€ |
Mars | 127k€ | 30k€ | 34€ | 43k€ |
Pas de levée. Pas d’effet de mode. Pas de feu d’artifice.
Mais une base saine.
Des clients qui comprennent. Qui achètent. Qui reviennent.
Et une boîte qui gagne de l’argent chaque mois, sans courir après une promesse qu’elle ne tiendra jamais.
Ce que le textile peut en retenir
Le textile souffre depuis plus de vingt ans.
Il a dû migrer en ligne, souvent dans l’urgence.
Et il s’est retrouvé confronté à une équation difficile :
des CAC élevés,
des retours gratuits à plus de 30 %,
une fidélité fragile,
et des marges grignotées par la logistique, les tailles, les shoots, les invendus.
Très peu de marques ont réussi à créer un modèle rentable dans ce contexte.
Mais il y a eu des intuitions justes.
Par exemple, très tôt, Sézane a fait un pari que peu de marques osaient faire à l’époque.
Elle a investi 7 € dans un packaging soigné, pensé comme une expérience.
Pas juste pour faire joli. Pas juste pour “brander” à la parisienne.
Mais parce qu’elle croyait qu’une cliente satisfaite, marquée, attachée — reviendrait.
Quand d’autres envoyaient encore leurs vêtements dans des pochettes neutres,
elle investissait dans la rétention.
Ce genre de choix, a priori “secondaire”, fait toute la différence.
Parce qu’un modèle rentable ne dépend pas d’un seul coup de génie.
Il dépend de décisions simples, alignées, prises au bon moment.
Conclusion
Il n’y a pas de formule magique.
Et vouloir devenir rentable “avec le temps” ne suffit pas.
Il faut poser un diagnostic clair, et faire des choix d’investissement cohérents avec ce diagnostic.
C’est ça, la bataille.
Et elle mérite d’être menée intelligemment.
